L’adolescence fait partie des thèmes qui, dans le champ éducatif, traversent nombre de problématiques de mémoires. C’est une période qui fascine notre société actuelle, à laquelle on prête nombre de maux et qui fait donc couler beaucoup d’encre. Elle est traversée par les questions du sexe et de la mort au travers des avatars de la relation à l’autre et à soi-même, avec une multitude de symptômes (troubles des conduites alimentaires, du comportement, errance et désinsertion, conduites suicidaires…) qui tous posent la question de la place de l’adulte, parent ou professionnel.
Or, avant toute investigation plus poussée de l’une ou l’autre de ces conduites, il est essentiel de s’arrêter à certains fondamentaux et en premier lieu au fait que l’adolescence est propre à notre société occidentale contemporaine, qu’elle en est le produit. On ne peut donc évoquer l’adolescence sans mettre en question le regard que l’on porte sur cette période.
« Les adolescents se considèrent du fait qu’on les considère et de la façon dont on les considère. » écrit ainsi Evelyne Kestemberg dans le chapitre intitulé « L’identité et l’identification chez les adolescents » publié en 1999 au sein de l’ouvrage « L’adolescence à vif ». C’est ce texte que je vous propose donc d’étudier en préambule de toute recherche plus spécifique sur le public adolescent.
Tout d’abord parce-qu’il reprend certains points que nous avons évoqué sur l’intrication entre la construction psychique de l’enfant et sa relation à l’Autre. Ensuite, parce-qu’il introduit un des axes fondamentaux de la définition de l’adolescence, ce que l’on nomme « le pubertaire », terme sous lequel vous retrouverez nombre d’ouvrages et articles psychanalytiques. Une des questions premières de cet âge pourrait ainsi se formuler : « Que faire de ce corps ? », s’en suivent les questions de l’inhibition et de l’acte (voir à ce sujet « Adolescence : une attente en acte, un acte en attente? » de M. Rougeon»
« La puberté, moment de précipitation de l’impossible à supporter » de Martine Menes fait partie des actes du colloque du Derpad « Le sexe des anges… » sur lequel vous pouvez poursuivre vos recherches.
Ce que vous nommez souvent « estime de soi » ou « image de soi » est ainsi à reprendre autour de la notion de narcissisme, car derrière le « Que faire ? » se cache parfois le sentiment du « bon à rien », qui peut mettre en échec bien des tentatives éducatives. Il s’agit alors pour le professionnel de pouvoir questionner sa place, E. Kestemberg décrivant ainsi ce qu’elle nomme « rencontres identificatoires », qui présupposent une position juste, défaite de certains pré-supposés et des leurres des jeux en miroir. Sachant que ces situations ne se prescrivent pas et qu’à trop vouloir adresser ailleurs, on en oublie celui à qui l’adolescent s’adresse. Comme souvent, je vous encourage à oser lire les psychanalystes parlant de leur pratique, et ici « En mode transfert ? » de Martine Lerude sans trop avoir peur de vous identifier, tant qu’il est question de « position » clinique, qui n’est ni affaire de théorique, ni de titre.
Qu’il s’agisse de refus ou d’adresse, la place de l’adolescent ne peut se penser sans celle de l’Autre que vous pouvez incarner pour lui. Ce qu’explique E. Kestemberg c’est combien les adolescents sont – identité – en fonction de ce que les adultes sont ou leur apparaissent –identification. Qu’il s’agisse des troubles des conduites alimentaires ou des passages à l’acte c’est avant tout dans cette dialectique là que vous pourrez réfléchir votre positionnement et éviter l’écueil d’une psychiatrisation hâtive, d’une « mise à pied » ou autre « mainlevée » trompé par des symptômes bruyants mais souvent labiles.